Bois de chauffage : savoir de quoi l’on parle

Petites précisions en matière de bois de chauffage, histoire de remettre le stère au milieu du taillis. À l’usage des particuliers et des maladroits.

Petit détour par le genre des mots pour rappeler avant toute chose que stère, issu du grec et signifiant “solide„, est bel et bien masculin. Ceci dit, la stère n’est pas la pire des hérésies, et relève davantage d’un usage régional possédant, convenons-en, un charme dont est totalement dépourvue l’orthographe approximative d’un “chatteur„ au stade terminal.
Bref, un stère correspond au volume d’encombrement de bois découpé empilé sur 1 x 1 x 1 mètre.
Reste à savoir quel est le volume réel du bois contenu dans le mètre cube correspondant à l’encombrement d’un stère que, soit dit en passant, le bûcheron consciencieux aura majoré d’une dizaine de centimètres de hauteur à l’empilage pour compenser le tassement inévitable.
Pour y arriver, nous disposons d’une méthode de calcul reposant sur le coefficient d’empilage.

Le coéfficient d’empilage ou facteur de cubage

Le coefficient d’empilage – ou facteur de cubage – est le rapport existant entre le volume de plein bois, exprimé en m³, et le volume d’encombrement exprimé en stères. Il s’agit donc de savoir quel est le volume réel de bois approximativement contenu dans un stère ou plus, sachant que celui-ci variera selon la nature du bois, ses dimensions, sa rectitude, et la manière plus ou moins consciencieuse de l’empiler.

On sait ainsi que le coefficient d’empilage d’un stère de hêtre de bonne fente empilé tête-bêche est en moyenne de 0,77 m³. Il passe à 0,66 m³ dans le cas d’un bois de fente difficile. Pour le chêne, ces valeurs sont respectivement de 0,68 et 0,61 m³. Dès lors qu’il s’agit de houppier (branches), le coéffient d’empilage du hêtre rend 0,58 m³ et celui du chêne 0,45 m³. Composé de quartiers (40 à 45 cm au fin bout, et refendus) et rondins (22 à 40 cm au fin bout) mélangés, votre stère contient approximativement 0,60 m³ contre 0,57 m³ s’il s’agit de rondins et 0,55 m³ dans le cas de charbonnettes consistant en pièces dont le tour au fin bout est inférieur à 22 cm.

Le facteur d’empilage

S’il s’agit, à l’inverse, de déterminer quel volume réel de bois brut il faut approximativement utiliser pour façonner un stère, on aura recours au facteur d’empilage qui, à l’inverse du coefficient d’empilage, est toujours supérieur à l’unité puisque tenant compte des vides que le premier vise à décompter. Il existe, là aussi, des références moyennes.

Ainsi vous faudra-t-il façonner 1,3 stère pour obtenir un mètre cube de hêtre au départ de quartiers de bonne fente empilés tête-bêche, et 1, 5 stère pour des quartiers de fente difficile. Pour le chêne, ces valeurs passent respectivement à 1,45 et 1,64 stère. Pour les houppiers, ces valeurs sont de 1,72 (hêtre) et 2,2 stères (chêne). Si vous façonnez un mélange de quartiers et de rondins, le facteur d’empilage donne 1,66 stère, contre 1,75 en rondins, et 1,8 en charbonnettes.

Le poids spécifique

Exprimé en kilos par mètre cube, le calcul basé sur le poids spécifique du bois vous permettra de savoir (toujours avec une certaine approximation) à quel volume de bois correspond un poids donné. Celui-ci dépendra non seulement de l’essence concernée, mais aussi du degré de séchage.

À titre indicatif, un mètre cube de chêne vert pèse une tonne pile, en moyenne, contre 750 kg une fois séché à l’air (il recèle alors à peu près 20 % d’humidité). Le rapport saute ici aux yeux : le volume de bois vert aura fondu d’un quart une fois celui-ci séché. Bon à savoir.

Même simplicité de calcul pour l’orme (1.000 kg vert et 700 séché). Il vaudra mieux sortir la calculette pour les quelques essences suivantes : bouleau (900/600), charme (1.050/850), épicéa (760/450), frêne (880/750), hêtre (980/750), mélèze (810/600), pin sylvestre (820/550), poirier (1.050/700) et pommier (1.010/700).

En moyenne, on considère qu’un stère honnêtement façonné et empilé correspond à quelque 500 kilos de bois dur séché à l’air.

Autres données en vrac

En raison de leur plus grande porosité, les bois tendres brûlent plus aisément que les bois durs, qui ont en revanche un caractère calorifique plus élevé. Un bon bois de feu, au sens objectif fourni par le pouvoir calorifique, doit être sec, lourd et composé de gros éléments.
Les meilleurs bois de chauffage pour nos régions (toujours au sens objectif du terme, indépendant des préférences culturelles de chaque région et/ou personne) sont, par ordre décroissant : le charme, le hêtre, le chêne, le châtaigner (eh oui…) et le frêne.

Notons que les techniques mises en œuvre dans la construction de certains moyens de chauffage au bois récents chamboulent parfois l’ordre classique.
Comparativement, si l’on se base sur une valeur moyenne fixant le poids d’un stère de bois dur séché à l’air à 500 kg, et dont le pouvoir calorifique s’élève à 1.500.000 calories, il faudra brûler 5 stères pour arriver aux 7.500.000 calories produites par une tonne de houille et sept pour parvenir aux 10.500.000 calories dégagées par une tonne de mazout. La question de la sensation de chaleur est une autre affaire, basée sur d’autres paramètres à la fois objectifs et subjectifs.

Reste à s’entendre

Là-dessus, j’en entends qui grommellent : “ Comme si ce n’était déjà pas assez compliqué ainsi : voilà l’autre qui va nous emmancher dans des calculs d’apothicaire la prochaine fois qu’on va livrer du bois de chauffage… „ Le tout est, bien-sûr, de s’entendre.

Le but de cet article n’est pas de rendre les transactions impossibles sans l’appoint d’un tube d’aspirine et d’une plaquette de tranquilisants : le négoce du bois de chauffage a toujours reposé sur une part d’approximation rendant la confiance indispensable. Mais la récente hausse des prix a curieusement correspondu, pour certains grands distraits, à une multiplication de maladresses préjudiciables à tous, tant fournisseurs que consommateurs. Permettre à tout le monde de s’y retrouver au départ de bases communes nous a paru être, précisément, la meilleure manière d’éviter que la suspicion née de ces abus (toujours découverts tôt ou tard) rende l’ambiance franchement irrespirable à moyen terme.
Reste à “ faire les prix „, mais ça, c’est vous que ça regarde.

P.G
Source : “ La Forêt „ – ouvrage collectif Bary-Lenger / Evrard / Gathy (première édition – 1974 – chez Vaillant – Carmanne à Liège)